Nos relations amoureuses et sexuelles sont souvent le reflet de nos expériences passées, notamment lorsqu'il s'agit de traumatismes. Ces blessures émotionnelles, qu'elles proviennent de l'enfance, d'une relation difficile, ou d'autres événements marquants, peuvent se manifester dans notre manière d’aimer et de nous connecter à l’autre. Dans mon cabinet, j’accompagne régulièrement des personnes qui ressentent ces blocages dans leur vie amoureuse et intime, et je souhaite ici partager quelques histoires (les noms ont été changés pour respecter la confidentialité) ainsi que des pistes concrètes pour surmonter ces difficultés.
Quand les traumas se mêlent à l'amour
Il est fréquent que des personnes viennent me voir parce qu'elles se sentent "cassées" ou incapables de trouver une relation saine. Souvent, elles n’arrivent pas à comprendre pourquoi elles revivent les mêmes schémas ou pourquoi elles se sentent si vulnérables à chaque relation. C’est le cas de Sophie, une femme que j’ai reçue récemment.
Sophie, la quarantaine, était prise dans un cycle de relations où elle choisissait toujours des partenaires indisponibles émotionnellement. À chaque rupture, elle se demandait pourquoi elle n’arrivait pas à trouver quelqu’un qui puisse l’aimer pour ce qu’elle est. En creusant ensemble, on a découvert que ce schéma prenait racine dans son enfance, avec une mère distante et un père souvent absent. Ces premières expériences avaient gravé en elle l’idée que l’amour était forcément synonyme d'absence.
Puis, il y a Théo, qui lui, a grandi dans un environnement où les conflits étaient omniprésents. À l’âge adulte, il évitait les confrontations à tout prix et se renfermait émotionnellement dès qu’un désaccord apparaissait avec sa partenaire. Résultat : ses relations finissaient toujours par s’éteindre, car il ne laissait personne s’approcher vraiment. À force de garder ses émotions verrouillées, il se coupait de ses besoins et de ceux de l’autre. Son passé de violence émotionnelle lui avait appris à survivre en se protégeant, mais ce mécanisme de défense, s'il l’avait sauvé autrefois, détruisait maintenant ses relations.
Ces exemples sont typiques des troubles de l'attachement. Selon la manière dont nous avons été aimés (ou pas) durant notre enfance, nous développons des façons spécifiques de nous attacher à l’autre : anxieux, évitant, ou parfois un mélange des deux. Et ces schémas d'attachement jouent un rôle clé dans nos relations adultes.
Les traumas et la sexualité
Sur le plan sexuel, les traumas peuvent créer des obstacles encore plus subtils, mais tout aussi dévastateurs. Il n'est pas rare que les personnes ayant vécu des événements traumatiques dans leur enfance ou adolescence (qu'il s'agisse d'abus, de violences ou même de relations affectives toxiques) se sentent déconnectées de leur corps.
Julie, une autre cliente, a partagé avec moi à quel point il lui était difficile de se laisser aller à l'intimité physique avec son conjoint. Chaque geste, chaque moment intime réveillait chez elle des souvenirs douloureux de son passé. Elle parlait souvent de cette impression de "sortir de son corps", une forme de dissociation courante chez ceux et celles qui ont vécu des traumas.
Dans d’autres cas, les traumatismes peuvent créer un sentiment de honte et d’insécurité dans la sexualité. Thomas, par exemple, avait grandi dans un climat où la sexualité était perçue comme sale et honteuse. À l’âge adulte, cela l'empêchait de vivre sa sexualité pleinement, se sentant constamment jugé et inadéquat, même par sa propre partenaire. Ces insécurités, bien ancrées depuis des années, lui faisaient croire qu'il n'était pas "assez", ni physiquement ni émotionnellement.
Les troubles de l'attachement : pourquoi tout part de là
Quand on parle de relations amoureuses et sexuelles perturbées par des traumas, on ne peut pas passer à côté des troubles de l’attachement. Ce concept, développé par le psychologue John Bowlby, explique comment nos premières relations avec nos parents ou figures parentales influencent nos relations d’adultes.
Les personnes avec un attachement anxieux, par exemple, ont une peur intense de l’abandon. Elles ont besoin de réassurance constante et peuvent paraître "étouffantes" dans leurs relations.
Claire, une patiente avec qui j’ai travaillé, vivait constamment dans la peur que son partenaire la quitte. Elle interprétait chaque silence comme un signe qu'il ne l’aimait plus. Son angoisse la poussait à surveiller ses moindres faits et gestes, rendant la relation difficile, autant pour elle que pour lui.
À l’inverse, d’autres développent un attachement évitant, où ils fuient l’intimité pour ne pas souffrir. Pierre, par exemple, n’arrivait jamais à s’engager pleinement dans une relation. Dès que sa partenaire se rapprochait trop émotionnellement, il prenait ses distances. Il annulerait des rendez-vous ou inventerait des excuses pour ne pas affronter la vulnérabilité que demande l’amour.
Et enfin, il y a l'attachement désorganisé, souvent le résultat de traumas graves, où la personne oscille entre le besoin d'intimité et la peur panique de s'engager. Ce mélange d'attraction et de répulsion crée des relations particulièrement chaotiques.
Comment retrouver son élan amoureux et sexuel
La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible de guérir et de retrouver une vie amoureuse et sexuelle épanouie. Ce processus demande du temps, de la patience et parfois de l’accompagnement. Voici quelques étapes concrètes que j’utilise en cabinet, et qui ont fait leurs preuves.
1. Reconnexion avec ses émotions
La première étape de la guérison consiste à reconnaître et accepter ses émotions. Trop souvent, on essaie de les ignorer ou de les refouler, surtout quand elles sont douloureuses. Mais comme l'explique Nicole LePera, pour guérir, il faut faire face à ces émotions, les nommer, et comprendre d’où elles viennent. Cela peut se faire à travers des exercices de mindfulness, ou de respiration consciente, que je propose souvent en séance.
Il est aussi question de pardonner. Pas nécessairement pardonner à ceux qui nous ont fait du mal, mais se libérer du poids de la colère et de la douleur pour pouvoir avancer. Cela ne signifie pas oublier ou excuser, mais simplement alléger la charge émotionnelle.
2. Travailler sur ses schémas d’attachement
Reconnaître nos schémas d'attachement est essentiel. Si vous avez un attachement anxieux ou évitant, il est possible d'apprendre à se reconnecter de manière plus saine. Par exemple, en thérapie EMDR (désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires), on peut travailler sur les souvenirs traumatiques à l’origine de ces schémas. En retraitant ces souvenirs, ils perdent leur charge émotionnelle, ce qui permet de réagir différemment dans ses relations actuelles.
Il est importance de reprendre le contrôle de sa narration : il s’agit de comprendre que nos comportements dans les relations ne sont pas gravés dans le marbre. En prenant conscience de nos vieux schémas, on peut petit à petit les transformer.
3. Libérer les traumas ancrés dans le corps
Nos corps gardent la trace des traumas. C’est ce que Peter Levine appelle la mémoire corporelle. Pour libérer ces traumas, on peut utiliser des techniques comme l’EFT (Emotional Freedom Technique) ou la sophrologie, que j’utilise beaucoup en cabinet. Par exemple, les tapotements en EFT permettent de libérer les émotions bloquées dans le corps. La sophrologie, avec ses techniques de relaxation et de visualisation, aide à restaurer un sentiment de sécurité et de détente, nécessaire pour apaiser le système nerveux.
4. Reconstruire la confiance dans la sexualité
Si le trauma affecte aussi la sexualité, il est essentiel de reconstruire cette confiance progressivement. Cela passe souvent par des exercices de communication non verbale, de toucher bienveillant sans forcément aller vers l’intimité sexuelle immédiatement. Le but est de recréer un espace de sécurité où le corps peut se détendre et se reconnecter à l’autre.
5. Accepter que la guérison est un processus
Enfin, comme le souligne Gabrielle Bernstein, la guérison est un chemin. Cela ne se fait pas du jour au lendemain, et c'est ok. Vous n'avez pas à "tout réparer" d'un coup. Chaque pas vers la guérison, même les plus petits, est une victoire.
Se réapproprier sa vie amoureuse et sexuelle
Les traumas peuvent laisser des cicatrices profondes, mais ils n’ont pas à définir votre vie amoureuse et sexuelle pour toujours. Ne restez pas seul.e avec vos traumatismes et blocages, il existe des solutions.
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